Faire appel à des prestataires à l’étranger est devenu un réflexe pour bon nombre de web entrepreneurs. Développement web, création de contenu, gestion de projets… toutes ces prestations sont régulièrement externalisées vers des pays tiers afin de réduire les coûts et de s’entourer des meilleurs talents, peu importe leur localisation. Mais derrière ces opportunités se cachent des risques sociaux et fiscaux qu’il serait bien imprudent d’ignorer.
Parmi les principaux risques, la retenue à la source sur les prestations offshore reste souvent méconnue des web entrepreneurs. Alors, avant de signer avec votre prochain prestataire à l’autre bout du monde ou tout simplement avec un partenaire qui vous dit avoir créé une super « LLC au Delaware » pour alléger votre fiscalité et la sienne (ou ceux qui vous conseillent d’en créer comme le néo-fiscaliste Oussama Ammar), découvrez avec Infolawyers comment vous protéger efficacement et éviter les mauvaises surprises !
Attention cet article a été rédigé pour vous alerter car nous avons été témoins de plusieurs contrôles fiscaux ces derniers mois, et pas seulement opérés par l’administration française. En effet, la tentation est grande pour les États de lutter contre l’évasion fiscale et la fuite des capitaux.
Les avantages d’avoir recours à des prestataires dans des pays étrangers
De plus en plus de web entrepreneurs se tournent vers des prestataires situés à l’étranger pour propulser leur activité. Pourquoi ? Parce que cela offre des opportunités qu’ils ne trouvent pas toujours localement. Par exemple :
- Un entrepreneur qui gère une plateforme de formation en ligne pourrait engager un développeur au Pakistan pour intégrer une nouvelle fonctionnalité. Avec des tarifs souvent beaucoup plus compétitifs, il peut accéder à une expertise technique de haut niveau, tout en maîtrisant ses coûts.
- Une start-up e-commerce pourrait déléguer la gestion de son support client à une équipe à Madagascar. Elle bénéficie alors de prix compétitifs, avec un décalage horaire minime.
- Un créateur de contenu digital pourrait faire appel à des graphistes ou des monteurs vidéo au Maroc pour ses vidéos YouTube pour profiter d’un tarif plus avantageux.
- Un infopreneur a son bras droit et des affiliés en LLC au Delaware pour des raisons fiscales, alors que ces derniers ne résident pas sur place…
Les avantages pour les web entrepreneurs d’un freelance offshore sont donc très clairs :
- La réduction des coûts : dans des pays où le coût de la vie est plus bas, les prestataires peuvent proposer des tarifs beaucoup plus accessibles, sans pour autant sacrifier la qualité.
- La réduction des coûts par la réduction de la pression fiscale sur l’entreprise qui vous facture d’autant que, le plus souvent, cette dernière ne facture pas la TVA.
- L’accès à un vivier international de talents : que vous cherchiez un spécialiste en SEO, un designer graphique ou un expert en développement web, il y a de fortes chances que vous trouviez la perle rare, où qu’elle soit dans le monde. En élargissant votre recherche au-delà des frontières, vous multipliez vos chances de tomber sur des prestataires qui maîtrisent parfaitement les compétences dont vous avez besoin pour faire décoller votre projet.
- La flexibilité horaire : travailler avec des prestataires dans des fuseaux horaires différents permet souvent d’accélérer les projets, même pendant vos heures de sommeil !
La retenue à la source sur les prestataires étrangers : de quoi s’agit-il ?
Derrière les bénéfices évoqués plus haut se cachent quelques risques que beaucoup d’entrepreneurs du web ignorent… Le Fisc français (mais c’est une règle qui existe aussi dans d’autres états y compris réputés pour leurs avantages fiscaux) peut notamment vous imposer une retenue à la source sur le montant des prestations facturées à un freelance situé à l’étranger. Vous êtes surpris ? Ce n’est pas étonnant, car cet article du Code général des impôts (CGI) est encore largement méconnu. Pourtant, son application peut sérieusement fragiliser votre entreprise.
Beaucoup d’entrepreneurs du web pensent, en effet, qu’un simple contrat signé suffit à les protéger. Si ce document est évidemment indispensable, il n’est pas suffisant pour assurer votre protection et échapper à ce risque. Pour bien comprendre tout ça, il est nécessaire de se pencher un peu plus en détail sur l’article 182 B du CGI.
En vertu de ce texte, donnent “lieu à l’application d’une retenue à la source, lorsqu’ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés relevant de l’impôt sur les sociétés, qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente […] les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France”.
Selon le CGI, au moment de payer votre prestataire, vous devriez donc prélever une retenue à la source et la verser au Trésor public dans les délais impartis, si les trois conditions suivantes sont remplies :
- Votre activité est enregistrée en France et vous versez de l’argent à un prestataire situé à l’étranger.
- Votre prestataire offshore n’a pas sa résidence fiscale dans le pays où il dit exercer son activité. En clair, il n’est pas tellement présent dans le pays depuis lequel il facture, ou pire encore, il n’est pas légalement enregistré dans son propre pays.
- Les services que vous achetez sont utilisés en France, que ce soit pour du développement, du graphisme, du marketing, ou tout autre prestation de services.
À noter que cette retenue s’applique aussi si vous n’arrivez pas à obtenir les documents prouvant le statut légal de votre prestataire (ce qui arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le pense surtout dans certains pays francophones comme le Bénin, le Maroc ou encore Madagascar…). Dans tous les cas, même si l’entreprise située à l’étranger répond aux critères requis, il est indispensable de vérifier s’il existe bien une convention internationale liant la France à ce pays étranger prévoyant la neutralisation de la retenue à la source.
En clair, si vous ne pouvez pas justifier de l’enregistrement de votre prestataire, le Fisc français ne vous fera pas de cadeaux. Vous serez tenu de verser entre 15 % et 75 % du montant payé à votre prestataire au Trésor Public français, sans avoir anticipé cette imposition lors de la signature du contrat. Le taux varie en fonction de la nature de la prestation et du pays de résidence du bénéficiaire. Si faire appel à un freelance offshore semblait être une solution financièrement avantageuse, l’ajout de cette retenue fiscale pourrait considérablement réduire cet intérêt.
Et vous imaginez bien qu’une fois la prestation terminée, votre freelance, sans statut professionnel légal, sera peu enclin à compenser votre fiscalité. Vous n’avez aucun moyen de pression sur votre prestataire offshore. Quant à l’administration française, elle ne le connaît pas et ne s’adressera donc qu’à vous pour obtenir son dû. Après tout, cela relève de votre responsabilité. C’est donc à vous de payer.
Bon à savoir : quels sont les objectifs de la retenue à la source 182/B ?
Il s’agit d’abord de lutter contre la fraude fiscale en contrôlant les flux financiers internationaux. Par ailleurs, le législateur a souhaité, avec cette mesure, assurer l’équité fiscale entre les prestataires, peu importe leur pays de résidence.
Prestataires offshore : comment se protéger efficacement ?
Collaborer avec des prestataires offshores, c’est top pour élargir votre équipe et réduire vos coûts. Mais avant de vous lancer tête baissée, n’oubliez pas de jouer la sécurité.
1. Vérifiez l’existence légale de l’entreprise étrangère
Vérifiez, tout d’abord, que votre prestataire est bien enregistré légalement dans son pays. Il doit, pour cela, disposer d’un statut professionnel reconnu. Il peut s’agir d’une société. Toutefois, dans certains pays, les freelances sont autorisés à exercer sans créer de structure distincte comme la micro entreprise en France. En revanche, ils ont (presque) toujours l’obligation de s’enregistrer ou de déclarer leur statut auprès de l’administration.
Demandez des preuves pour confirmer le statut de votre freelance. Cela vous évitera de faire appel à un prestataire fantôme, qui opère en toute illégalité dans son propre pays.
Bon à savoir : d’ailleurs, de manière générale, peu importe où se trouvent vos prestataires. En France comme à l’étranger, des vérifications s’imposent avant de démarrer votre collaboration. Vous devez disposer d’un contrat précis et effectuer toutes les vérifications préalables nécessaires. Pour en savoir plus, consultez l’excellent article rédigé par les experts Infolawyers sur les 5 règles indispensables pour contracter avec un freelance sans risque.
2. Identifiez clairement le dirigeant de l’entreprise
Ne vous faites pas avoir par de faux profils ! Les arnaques ne sont pas rares, surtout lorsque le supposé freelance vit à des milliers de kilomètres de chez vous. Certaines personnes se font passer pour le dirigeant d’une société, dans le but de travailler illégalement ou de vous voler de l’argent.
Vérifiez que la personne avec laquelle vous êtes en contact est bien le dirigeant ou un représentant autorisé de l’entreprise étrangère. Pour cela, il suffit de consulter les registres d’entreprises du pays concerné et de demander une pièce d’identité. Prenez également le temps de vérifier ses réseaux sociaux et son site web afin de détecter d’éventuelles incohérences.
Grâce à ces différentes précautions, vous évitez de faire appel à une société à Madagascar pour découvrir ensuite que votre interlocuteur n’a aucun pouvoir légal pour signer des contrats, ou pire n’apparaît nulle part sur la documentation de la société en question. Vous vous protégez par la même occasion des éventuelles arnaques.
3. Vérifiez les obligations sociales et fiscales du prestataire
Assurez-vous enfin que votre prestataire respecte ses obligations sociales et fiscales dans le pays où il exerce son activité. Pour cela, vous devez notamment lui demander un document équivalent à la fameuse attestation de vigilance URSSAF. Rappelons que si vous faites appel à un freelance situé en France, vous devez lui demander de vous remettre ce document, tous les 6 mois, à partir du moment où ses prestations cumulées dépassent 5 000 €.
Si vous faites affaire avec un prestataire, partenaire ou affilié qui vous facture via une LLC, une entreprise à Dubaï, en Estonie, au Nouveau Mexique, aux Îles Caïman ou à Hong-Kong, vérifiez bien que la personne a une résidence effective et une activité permanente dans ce pays. Vous devez vous assurer qu’il s’agit pas juste d’un montage fiscal qui pourrait finalement vous coûter très cher (à vous, car votre prestataire aura aussi vite monté sa société qu’il aura disparu…). Pour vérifier, demandez des preuves comme un bail commercial, un contrat de location ou un justificatif de résidence fiscal.
Un dernier conseil : AN-TI-CI-PER vos démarches ! Une fois la prestation terminée, il est trop tard pour réagir. Le fisc français ne cherchera pas le prestataire étranger pour obtenir son dû, mais se tournera directement vers vous. Respectez donc toutes les obligations de vigilance dès le départ.
Ces précautions vous éviteront bien des désagréments. Elles vous permettront de profiter pleinement des avantages de la collaboration avec des prestataires offshores, tout en limitant les risques pour votre entreprise.
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