Perte soudaine de clients, baisse inexpliquée du chiffre d’affaires, reprise de contact par un ancien collaborateur, et si vous étiez victime d’un détournement de clientèle ?
Cette pratique déloyale est plus fréquente qu’on ne le pense. Salariés ou freelances peuvent en être à l’origine. Pour prévenir les risques et protéger votre business, Infolawyers propose des solutions juridiques innovantes pour les entrepreneurs du web. En attendant, nous vous conseillons de lire attentivement notre guide sur les moyens de se protéger d’un détournement de clientèle.
Qu’est-ce que le détournement de clientèle ?
Avant de voir comment se protéger du détournement de clientèle, essayons d’abord de définir cette pratique. Comprendre précisément ce qu’elle recouvre vous aidera à l’identifier plus facilement lorsqu’elle survient.
Définition du détournement de clientèle
Le Code de commerce ne définit pas le détournement de clientèle. Il est donc nécessaire de se tourner vers la jurisprudence : celle-ci considère cette pratique comme une forme de concurrence déloyale, sanctionnée sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (responsabilité délictuelle pour faute).
C’est notamment la position adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 décembre 2022. Un ancien salarié avait utilisé les fichiers clients de son ancien employeur pour développer sa propre activité. La Cour a considéré que ce comportement constituait une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile.
À noter que le détournement de clientèle suppose la réunion de trois éléments :
- une faute : usage illicite d’informations, démarchage agressif, imitation, confusion dans l’esprit du public ;
- un préjudice : perte de clients, baisse de CA, atteinte à la réputation ;
- un lien de causalité entre les deux.
Le détournement de clientèle en pratique
Il n’existe pas une seule manière de détourner une clientèle, mais plusieurs. Cette pratique déloyale peut, en effet, prendre des formes variées, souvent discrètes dans un premier temps.
Voici quelques cas typiques rencontrés en entreprise :
- Le transfert frauduleux du fichier clients : un salarié ou un prestataire télécharge les données clients (coordonnées, conditions tarifaires, historique des échanges) avant son départ, pour les utiliser dans le cadre d’une activité concurrente.
- Le démarchage direct par un freelance : un closer reprend contact avec les prospects pour leur proposer des prestations similaires à celles proposées par l’infopreneur.
- La confusion volontaire avec votre image : un ancien collaborateur crée une nouvelle entreprise avec un nom, un logo ou une identité visuelle proche de la vôtre, entretenant ainsi un risque de confusion dans l’esprit des clients.
Ces comportements peuvent relever de la concurrence déloyale, voire de l’atteinte au secret des affaires lorsqu’ils impliquent l’usage non autorisé de fichiers stratégiques (article L.151-1 du Code de commerce).
Consultez notre article pour savoir comment sécuriser votre collaboration avec un closer.
Il convient donc de rester attentif aux signaux d’alerte pour mieux se protéger d’un détournement de clientèle. Certains indices doivent vous mettre en alerte :
- chute soudaine du chiffre d’affaires ou arrêt brutal de commandes de la part de clients fidèles, sans raison apparente ;
- clients injoignables, qui ne répondent plus aux relances ou annulent leur renouvellement sans explication ;
- proposition concurrente quasi identique à la vôtre, parfois à tarif réduit ou avec une connaissance trop fine de vos conditions commerciales ;
- réutilisation d’éléments graphiques, de contenus ou d’outils de communication appartenant à votre entreprise ;
- avis en ligne ou retours de prospects confus, pensant avoir affaire à votre entreprise alors qu’il s’agit d’un tiers.
Comment éviter le détournement de clientèle ?
Maintenant que vous savez identifier cette pratique, intéressons-nous aux solutions juridiques qui permettent de se protéger d’un détournement de clientèle.
La liberté d’installation : un principe fondamental, mais encadré
En droit français, toute personne est en principe libre d’exercer une activité professionnelle, même concurrente. C’est le principe de liberté du commerce et de l’industrie. Celui-ci découle notamment de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de l’article L1121-1 du Code du travail qui encadre les restrictions aux libertés des salariés.
Ainsi :
- Un ancien salarié, sauf clause spécifique, peut créer une activité concurrente.
- Un freelance, après la fin de sa mission, peut démarcher d’autres clients, voire les vôtres, si son contrat ne lui interdit pas.
Mais cette liberté connaît des limites importantes. Elle ne peut pas justifier un comportement déloyal.
Le détournement de clientèle n’est jamais légitime lorsqu’il repose sur :
- l’exploitation d’informations confidentielles ;
- l’entretien d’une confusion dans l’esprit de la clientèle ;
- le dénigrement ou la désorganisation de l’entreprise d’origine.
Gardez donc en tête que la liberté d’installation est la règle, mais la loyauté dans les pratiques est l’exigence minimale. C’est cette frontière que les clauses contractuelles permettent d’encadrer plus strictement.
La clause de non-concurrence pour protéger son activité du détournement de clientèle
Pour prévenir les détournements de clientèle, il est possible, et fortement recommandé, d’intégrer une clause de non-concurrence dans vos contrats de travail et dans vos contrats de prestation. Cette clause vise à limiter temporairement la liberté d’exercice professionnel, dans un cadre bien précis.
Pour les salariés, la clause de non-concurrence est valide uniquement si elle remplit 5 conditions cumulatives, posées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation (notamment Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-45.135) :
- la clause doit être écrite (souvent dans le contrat de travail ou un avenant) ;
- elle doit être limitée dans le temps (souvent entre 6 et 24 mois) ;
- elle doit être limitée géographiquement (zone cohérente avec la zone d’influence de l’entreprise) ;
- elle doit être proportionnée aux intérêts de l’entreprise ;
- elle doit prévoir une contrepartie financière raisonnable versée au salarié (généralement un pourcentage du salaire brut mensuel) : la jurisprudence considère qu’une somme dérisoire équivaut à l’absence de contrepartie.
Si l’un de ces critères manque, la clause est nulle et inopposable au salarié.
Pour les freelances, le cadre est un peu plus souple. La clause de non-concurrence dans un contrat de prestation obéit au droit commun des contrats (articles 1102 et suivants du Code civil).
Elle est donc autorisée, mais doit respecter certains principes pour être valable et exécutoire :
- elle doit être limitée dans le temps (par exemple, 6 ou 12 mois après la fin de la mission) ;
- elle doit être clairement définie dans son champ d’application : types d’activités interdites, clients concernés, périmètre géographique ;
- elle doit être proportionnée à l’objectif poursuivi, c’est-à-dire la protection d’un intérêt légitime (ex : confidentialité, savoir-faire, stratégie commerciale).
Contrairement au salarié, le freelance n’a pas à recevoir de contrepartie financière.
Une clause excessive (ex : interdiction d’exercer tout métier concurrent sur tout le territoire national pendant 5 ans) pourra être réduite ou annulée par le juge (article 1171 du Code civil sur les clauses abusives). En effet, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 30 juin 2004, “une clause de non-concurrence ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre du prestataire”.
Lisez notre article pour connaître les risques des web entrepreneurs et les solutions pour vous protéger.
Que faire en cas de détournement de clientèle par un salarié ?
Certains salariés peuvent outrepasser leurs obligations contractuelles. Voici comment réagir si vous êtes victime d’un détournement de clientèle.
Si le salarié est encore en poste
Pendant toute la durée du contrat de travail, votre salarié est tenu à une obligation de loyauté (article L1222-1 du Code du travail) à votre égard. Il ne doit donc exercer aucune activité concurrente, directe ou indirecte, même lorsqu’il est en congé (et bien évidemment en arrêt maladie).
S’il ne respecte pas cette obligation, vous pouvez :
- engager une procédure de licenciement pour faute ;
- Poursuivre votre salarié en responsabilité civile pour les préjudices subis.
Si le salarié a déjà quitté l’entreprise
Deux cas de figures se présentent.
Si une clause de non-concurrence a été prévue dans le contrat de travail (ce que nous recommandons systématiquement), il convient de vérifier sa validité et son application en l’espèce :
- L’activité exercée par l’ancien salarié est-elle visée par la clause ?
- Se situe-t-elle dans le périmètre géographique défini ?
- Est-elle exercée dans la durée d’interdiction prévue ?
Si toutes ces conditions sont réunies, vous pouvez :
- demander en justice la cessation de l’activité concurrente ;
- réclamer des dommages et intérêts pour violation des obligations contractuelles ;
- obtenir le remboursement de l’indemnité de non-concurrence versée au salarié.
En l’absence de clause, votre ancien salarié est, en principe, libre de s’installer à son compte ou de rejoindre un concurrent, y compris dans le même secteur d’activité. Toutefois, cette liberté n’autorise pas les pratiques déloyales.
Si vous constatez que d’anciens clients ont été démarchés de manière abusive ou que des données confidentielles ont été utilisées, vous pouvez engager une action en concurrence déloyale, à condition, comme nous l’avons vu, de prouver :
- une faute (ex. : usage non autorisé d’informations stratégiques, démarchage actif de la clientèle, confusion volontaire) ;
- un préjudice réel et chiffré ;
- un lien de causalité direct entre la faute et le préjudice subi.
Ce type d’action est souvent plus complexe à engager et à prouver qu’une simple violation contractuelle. D’où l’importance de prévoir une clause de non-concurrence valable dans tous vos contrats de travail.
Comment se protéger d’une détournement de clientèle par un freelance ?
Les freelances ne sont pas soumis à l’obligation de loyauté applicable aux salariés. Il est donc nécessaire de faire jouer la clause de non-concurrence (et éventuellement la clause de non-sollicitation).
Lorsque la clause est valablement rédigée (durée raisonnable, périmètre géographique cohérent, activité concernée précisément définie), le freelance est tenu de respecter ses engagements contractuels.
En cas de violation, vous pouvez :
- lui adresser une mise en demeure formelle de cesser l’activité concurrente ;
- exiger le paiement des pénalités contractuelles prévues dans la clause (forfaitaires ou calculées sur le chiffre d’affaires réalisé) ;
- engager une action en responsabilité contractuelle devant le tribunal compétent pour obtenir réparation de votre préjudice.
Mais attention, le freelance pourra contester la validité de la clause devant le juge, en invoquant son caractère disproportionné, son manque de précision ou encore l’absence d’un intérêt légitime démontré de votre part.
Le détournement de clientèle peut fragiliser, voire anéantir, votre activité. Perte de chiffre d’affaires, rupture de contrats, atteinte à votre réputation… Les conséquences sont souvent lourdes. Agir après coup est toujours plus complexe, incertain et coûteux. Il faut réunir des preuves, démontrer une faute et chiffrer un préjudice. Chez Infolawyers, nous vous aidons à éviter un tel scénario. Grâce à notre Bouclier 360, vous disposez de modèles contractuels solides et de clauses juridiquement opposables, adaptées à votre activité. Anticipez. Sécurisez. Protégez vos intérêts. Et pour ça, faites-vous accompagner.