Réagir à un avis négatif en ligne

Comment réagir à un avis négatif en ligne ? Stratégies juridiques et pratiques

Selon une étude IFOP / Guest Suite réalisée en 2023, 92 % des consommateurs consultent les avis en ligne avant de finaliser un achat. Parmi eux, 80 % reconnaissent avoir déjà modifié leur décision après avoir lu des évaluations, et 51 % ont même annulé un achat en raison de commentaires négatifs. Dans ce contexte, savoir comment réagir face à un contenu en ligne préjudiciable est devenu indispensable. Infolawyers vous guide dans cet article pour comprendre comment réagir à un avis négatif, faire la distinction entre critique légitime et atteinte illicite, et choisir les recours adaptés.

Qu’est-ce qu’un avis négatif en ligne illégal ?

Les avis négatifs en ligne dénigrants, diffamatoires ou insultants

Avant toute chose, il est essentiel de distinguer un avis négatif légitime, certes désagréable mais parfaitement légal, d’un propos qui franchit la limite de l’acceptable et constitue un acte contraire à la loi. Cette distinction est fondamentale, car elle conditionne la manière dont vous pouvez, ou devez, réagir.

La liberté d’expression en ligne

En effet, vos clients ont le droit d’exprimer leur insatisfaction. La liberté d’expression, protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, autorise chacun à partager son opinion, y compris sous forme de critique négative. 

Par ailleurs, un avis négatif constructif est un outil précieux pour améliorer vos services.

Cependant, cette liberté connaît des limites. Dès lors que les propos deviennent diffamatoires, injurieux ou qu’ils relèvent du dénigrement, l’avis en ligne est sanctionné par la loi.

Prenons un instant pour clarifier ces trois notions.

Dénigrement, insulte et diffamation

Selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la diffamation correspond à :

Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Ce texte définit également l’injure comme “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait.”

Quant au dénigrement, il consiste à discréditer les produits ou services d’une entreprise dans le but de lui nuire. La plupart du temps le dénigrement est le fait “d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier” (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 4, Arrêt du 30 mai 2018, Répertoire général nº 17/01693). Toutefois, la jurisprudence n’exclut pas l’existence d’un dénigrement par un consommateur, dans le cadre, par exemple, d’un avis en ligne. 

Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre, peut constituer un acte de dénigrement”. ( Cass. 1er civ., 11 juill. 2018, n°17-21.45). 

La jurisprudence semble toutefois être plus souple et moins sévère à l’égard du consommateur qui ne tire pas profit de tels propos. 

Il est important de souligner une distinction majeure entre la diffamation et le dénigrement. En matière de diffamation, la loi permet à l’auteur des propos de se défendre en apportant la preuve de la véracité de ses accusations ou en invoquant sa bonne foi (article 35 de la loi du 29 juillet 1881). En revanche, cette défense n’est pas recevable en cas de dénigrement. Peu importe que les critiques soient fondées ou sincères : dès lors qu’elles visent à discréditer publiquement une entreprise ou ses produits dans le but de lui nuire, elles peuvent être sanctionnées, même si les faits relatés sont exacts.

Les faux avis négatifs en ligne

Lorsqu’un avis est publié par une personne qui n’a jamais eu recours aux produits ou services critiqués, il ne s’agit plus d’une simple opinion, mais bien d’un acte de dénigrement. C’est ce qu’a confirmé la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 18 juin 2019, en précisant que :

Si le commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet n’est pas en soi constitutif d’une faute, il le devient lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services et prestations critiqués, caractérisant ainsi le dénigrement.”

Bon à savoir : quid des faux avis positifs en ligne 

Les professionnels qui publient ou achètent de faux avis positifs s’exposent à des sanctions pour pratique commerciale trompeuse (article L121-2 du Code de la consommation). La peine encourue est de 2 ans de prison et 300 000 euros d’amende.

Exemples d’avis négatif légaux en ligne 

Maintenant que les bases théoriques sont posées, voici quelques exemples pour bien comprendre la différence entre un avis négatif en ligne légal et un avis négatif en ligne illégal. 

J’ai été très déçu par la prestation de ce coiffeur. Coupe ratée, accueil froid. Je ne reviendrai pas.”

Livraison très lente et service client difficile à joindre. Je ne commanderai plus sur ce site.

Ces deux commentaires, bien que critiques, relèvent d’une expression personnelle fondée sur une expérience réelle. Ils traduisent un mécontentement subjectif, sans excès ni volonté manifeste de nuire.

À condition que ces avis aient bien été émis par une personne qui a eu recours aux produits ou services critiqués, ils sont considérés comme légaux.

Cette position a d’ailleurs été confirmée par la Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 7 novembre 2019. Dans cette affaire, un client mécontent avait laissé un avis sévère sur le site d’un garagiste. Il s’était contenté de relater les faits vécus et les difficultés rencontrées. La Cour a jugé que ses propos ne constituaient pas un acte de dénigrement, mais relevaient de la liberté d’expression.

De la même manière, la Cour d’appel de Douai dans un arrêt du 28 janvier 2016 a jugé qu’un avis très critique contenant des mots durs ne relevait pas du dénigrement. Dans cette affaire, une consommatrice mécontente avait publié un avis virulent suite à une succession de problèmes avec un vendeur de meubles (commandes non conformes, livraison annulée, remboursement tardif). Elle employait des termes forts tels que “grosse arnaque” ou “on nous prend pour des imbéciles”. La Cour a jugé que ces propos restaient “admissibles dans le contexte d’un site dédié aux avis de consommateurs, dès lors qu’ils reflétaient une expérience personnelle particulièrement négative”. Aucun abus n’a été retenu, d’autant plus que la cliente avait apporté des preuves du comportement agressif du vendeur lors d’un échange téléphonique.

Le chantage aux faux avis

Comment réagir à un avis négatif en ligne ? 

Cas n°1 : l’avis en ligne est négatif mais légal

Dans ce cas, mieux vaut adopter une réponse professionnelle et mesurée. Voici quelques conseils pratiques :

  • Répondez rapidement et calmement, en remerciant la personne pour son retour.
  • Reconnaissez le problème si celui-ci est réel.
  • Proposez une solution ou un contact direct pour résoudre le litige.

Cette posture rassure les internautes et montre que vous êtes à l’écoute de vos clients. 

Attention, à ne pas publier une réponse abusive. Dans un arrêt du 12 décembre 2022, la Cour d’appel de Nancy a condamné un garagiste qui a révélé les nom, prénom et adresse de son client à la suite d’un commentaire négatif de ce dernier. L’intention de nuire était d’autant plus manifeste qu’elle avait été annoncée par SMS, et que la publication est restée en ligne malgré une mise en demeure.

Cas n°2 : L’avis en ligne négatif est illégal 

Dans ce cas, il convient d’agir avec méthode et de vous faire assister par un avocat en droit du numérique.

Récolter la preuve de l’existence de l’avis négatif en ligne

Dès la découverte d’un avis préjudiciable, adoptez le bon réflexe : réalisez immédiatement une capture d’écran de la page où l’avis est visible, en veillant à bien faire apparaître la date, l’URL et l’identité de l’auteur si elle est mentionnée.

Cette preuve informelle peut suffire si votre objectif est simplement d’obtenir un retrait du contenu ou d’exercer un droit de réponse. En revanche, si vous envisagez une procédure judiciaire, notamment pour obtenir des dommages et intérêts, vous devez faire constater l’avis négatif en ligne par un huissier de justice. Ce constat, juridiquement opposable, apportera une valeur probante incontestable à votre dossier.

Quelles sont les solutions extra-judiciaires pour faire retirer un avis négatif en ligne ?

Envoyer une mise en demeure

Si l’auteur est identifiable, vous pouvez lui adresser une mise en demeure pour lui demander de retirer son contenu.

Si l’auteur est anonyme, vous pouvez contacter par lettre recommandée avec accusé de réception :

  • Le directeur de publication du site
  • L’éditeur de la plateforme
  • L’hébergeur via l’article 6.I.5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

Attention, la demande adressée à l’hébergeur doit contenir certaines mentions obligatoires (coordonnées, faits, justification juridique, etc.).

Exercer votre droit de réponse en ligne

Lorsque vous êtes mis en cause publiquement sur un site internet, vous pouvez faire valoir votre droit de réponse, prévu à l’article 6-IV de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Ce mécanisme vous permet de faire connaître votre position ou d’apporter des précisions en réponse à des propos publiés en ligne.

Pour en bénéficier, vous devez agir dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du contenu litigieux. La demande doit être adressée au directeur de publication du site, dont les coordonnées doivent figurer dans les mentions légales. Elle peut se faire par lettre recommandée (ou par tout autre moyen écrit).

Votre réponse doit être formulée de manière claire, factuelle et mesurée. Il ne s’agit pas de riposter par une attaque, mais d’exposer votre version des faits ou de rétablir certains éléments erronés. Un ton respectueux est impératif. Un droit de réponse agressif ou injurieux pourrait se retourner contre vous.

Une fois acceptée, la réponse est publiée dans les mêmes conditions de visibilité que l’avis initial (même page, même emplacement, ou lien explicite) et reste accessible pendant une durée équivalente. Elle doit également être présentée comme résultant de l’exercice du droit de réponse.

Bien que souvent méconnu ou négligé, ce droit constitue une voie amiable efficace, notamment lorsqu’il est exercé rapidement, avant d’envisager des actions judiciaires plus lourdes.

Demander le déréférencement de l’avis négatif à Google

Il est possible de demander à Google ou à d’autres moteurs de recherche le déréférencement de l’avis via des formulaires en ligne.

Attention, ce n’est pas une suppression du contenu, mais une suppression des résultats de recherche associés à votre nom ou celui de votre entreprise.

Quelles sont les solutions judiciaires contre les avis négatifs en ligne ?

Lorsque les démarches amiables n’aboutissent pas, des recours judiciaires existent. 

L’action en référé (procédure d’urgence) 

Cette procédure vise à obtenir rapidement la suppression du contenu, en cas de trouble manifestement illicite. 

L’action au fond

L’injure et la diffamation sont punies d’une peine d’amende de 12 000 euros ( ou 45 000 euros d’amende lorsqu’elle est commise avec un motif discriminatoire). 

Le dénigrement est jugé sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil). Il ne s’agit pas d’une infraction pénale. Pour obtenir gain de cause, il est nécessaire de prouver la faute, le préjudice et le lien de causalité. Cette action vise à obtenir :

  • Des dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral ou commercial.
  • La publication d’un rectificatif ou d’un jugement.
  • La suppression du contenu.

Un avis négatif publié en ligne n’est jamais anodin. Au-delà du simple agacement, il peut avoir des conséquences bien réelles sur votre activité : atteinte à votre réputation, perte de clients, baisse du chiffre d’affaires… Pourtant, tous les avis, même virulents, ne constituent pas un acte illégal. Distinguer une critique légitime d’un propos diffamatoire ou dénigrant n’est pas toujours évident. 

Un avis en ligne vous semble excessif ou diffamatoire, mais vous hésitez sur la marche à suivre ? Vous ne savez pas comment réagir ? Avec le Bouclier 360 d’Infolawyers, accédez à une hotline juridique réactive pour obtenir un conseil immédiat et adapté à votre situation.

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